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Aux quatre vents
16 février 2012

Ce chemin de terre

neige

Il y a un an, quasiment jour pour jour, j'étais au bout du rouleau. Mon corps me lâchait, mes poumons aussi, chaque respiration était une souffrance. Psychiquement aussi je sentais que j'arrivais au bout de mes réserves, quatre ans ininterrompus d'ennuis et de soucis divers et variés ayant eu raison de mon optimisme.

Il y a un an je donnais le préavis de notre appartement d'Aix en Provence, sans même savoir ou nous allions échouer, sans même être certaine qu'il me suivrait. Je savais juste que si je ne partais pas, vite, de cette ville, j'y laisserai à jamais ma santé.

 

C'est finalement vers mes racines que je me suis tournée. Me revendiquant Auvergnate depuis toute petite, fière jusqu'à outrance de cette identité qui aux yeux des autres me caricaturait bourrue et radine, je suis retournée dans ces montagnes qui avaient déjà sauvé mes poumons dans ma prime enfance. Malgré son amour pour son sud, il m'a suivie, me préférant à sa liberté chérie. Malgré nos déchirements, les tempêtes ou mon manque de confiance en moi nous a jetés, il décidait que ces cinq ans ensemble ne verraient pas leur point final signé par la fin du bail.

Ai je senti dès l'annonce internet que cette vieille ferme avait été construite pour moi ? J'aime à le croire. Je me souviens de cette unique photo, des pierres baignées de soleil, de ce bout de ciel bleu sur les tuile rouges, de cette porte fermée et de ce carré d'herbe devant. Nous avons visité bien des endroits auparavant, et puis par un jour de pluie et de brouillard nous avons eu notre rendez vous avec elle. Encore vêtue des meubles de son ancienne location, vieillotte, mal attifée, elle m'a séduite. Nous avons encore été voir certaines de ses cousines, et, sur ma certitude, il a bien voulu me croire mon Evidence. Nos vies en vrac avaient leur place dans cette maison perdue au bout d'un chemin de pierre, dans cet hameau loin des villes et de leur pollution.

 

Un mois plus tard nous récupérions les clés, la maison était vidée de ses meubles. Le soleil radieux d'avril nous attendait sur le pas de cette maison qui devenait la notre. Je me souviens que nous nous sommes assis, les yeux clos, sur les deux pierres de granit qui entourent la porte. Tant d'odeurs dans l'air ! Et juste le bruit du vent à nos oreilles, cette brise printanière qui jouait dans les fleurs nacrées des deux cerisiers de notre jardin.

 

Il m'a fallu plus de six mois pour retrouver un semblant de santé. Mais l'air de mes montagnes m'a soignée à nouveau et peu à peu j'ai oublié inhalateurs et cortisone. J'ai dormi à l'ombre du tilleul, reçu des amis sous le soleil de l'été et bu du rosé avec eux en attendant que prenne le barbecue. Nous avons fait l'amour à l'ombre du massif de lilas, cachés du seul vis à vis de la maison, à savoir le chemin de terre. Nous avons aussi fait pousser nos légumes et cueillis les fruits du poirier aussi vieux que la maison, une de ces cannes de bois plantées comme il se doit devant les fermes auvergnates pour les soutenir aux jours de leur vieillesse.

 

L'hiver nous a fait allumer notre cheminée, seul moyen de chauffage que nous utilisons pour les 100m2 de la maison. Dehors le froid, le manteau neigeux dont se couvre dame nature, à l'intérieur la douce chaleur des flammes qui maintiennent la maison entre 21 et 25°.

Blottis dans le canapé devant l'âtre rougeoyant alors que la neige tombe en gros flocons derrière la fenêtre, un livre à la main chacun (parlant – pour le mien du moins – d'une tempête de neige en haute montagne. Un comble !), une théière de fonte et deux tasses fumantes sur la table basse, nos chattes près de nous  je profite pleinement de la chance qui m'est offerte.

Combien de fois ai je pleuré, prié ( moi qui ne crois en aucune puissance supérieure), senti mon âme se fendre sous le poids de trop de chagrins ? C'est un baume cicatriciel qui m'est offert dans ce pays qui est le mien.

 

Les envies, doucement, réapparaissent. Mes mains trop longtemps inutiles se remettent à dessiner, mon âme retrouve sa soif d'écrire. Pierre après pierre se monte le projet d'une nouvelle librairie, remplaçant celle que j'ai du quitter en changeant de vie.

Petit à petit je reviens à un mode d'existence plus sain, plus proche de celle que je veux être. Nos fruits, nos légumes (et ceux d'un paysan du coin, nous sommes très loin de tout produire !), du bois pour se chauffer, peu de télévision, de la pêche en été pour mon Evidence, mon linge qui sèche au soleil. Je finis ma bouteille de détergeant chimique et je passerai à quelque chose de plus naturel (lessive à base de cendre, et ce n'est pas ce qui manque chez moi avec la cheminée !).

Très soucieuse de ma crinière, je retourne au henné. Refusant de continuer à l'abreuver de saloperie à chaque lavage, je commence à fabriquer shampoings et masques. Et ça marche à un point qui m'étonne ! Il faudrait que je fasse pareil pour nos savons, mais j'avoue pour l'instant j'ai la flemme.

Certaines poches de résistance demeurent, ce qui me convient parfaitement. J'ai besoin de mon ordinateur, d'internet, et j'y commande sans culpabilité ce que l'absence de grande ville proche m'empêche de me procurer : les croquettes auxquelles mes chattes son habituées, leur litière végétale, les derniers livres sortis qui me font envie, certains vêtements.

 

En bref, je revis et je sens mes batteries se recharger. Je me savais à l'époque sur le point de craquer mais je me rends compte à présent combien j'étais proche du gouffre. Par chance, par instinct de survie, nous avons viré de bord à temps, trouvé le chemin vers le bonheur.

Ce petit chemin de terre, à droite de la fontaine, qui monte vers une vieille ferme en pierre contre le mur de laquelle a été planté un poirier.

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Commentaires
A
C'est si bon de lire tout cela.. et je comprends tellement, si profondément, ce que tu peux ressentir.. <br /> <br /> Je suis heureuse en tout cas, de te retrouver avec une telle joie de vivre :)<br /> <br /> Bisous tout doux
Aux quatre vents
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